Cet ouvrage pose deux questions relatives aux « matières de l’Ouest » : (1) S’est-il façonné en Europe une imagination propre des Grands Espaces et, si oui, quelles en furent les principales options éthiques, esthétiques et narratives ? (2) Qu’est-ce qui singularise les thèmes, les intrigues et les personnages privilégiés de cette écriture européenne par rapport à l’imagerie — surexploitée depuis Hollywood — impliquant le cow-boy, le shérif, ou encore les squatters et settlers de la Conquête de l’Ouest ? Le couple wilderness/western — mobilisé ici à des fins dialectiques et non dualistes — débroussaille quelques-unes des pistes herméneutiques d’une production romanesque méconnue. En s’appuyant sur un sous-genre pour ainsi dire oublié du récit aventureux du xixe siècle, l’auteur explore les visages d’un Ouest fictionnel qui, grâce au recul européen, a su se parer d’intéressants lieux d’indépendance et de dynamiques insoupçonnées. Dans l’intervalle entre le wilderness, univers agrégeant l’hygiénisme libertin des Lumières et le spiritualisme romantique, et le western, imaginaire de l’allant national, modelé par et pour l’autonomisation culturelle des USA, mais aussi sous l’effet d’un tiraillement souterrain entre l’exemple colonial français et la Conquête pionnière de l’Ouest, ce sont des oppositions, des débats et des mélanges du plus haut intérêt qui se firent jour dans la France et l’Italie de 1858-1910. Les romans de Gustave Aimard et Emilio Salgari interviennent dans ce contexte, quoiqu’à des titres très différents (l’un grand consolidateur générique, l’autre compositeur original et articulateur d’imaginaires), comme les jalons d’une histoire des formes appropriatives de l’espace-réceptacle ouestien. À bien des égards, un tel parcours ajoute ses sinuosités et ses enjeux spécifiques à l’historiographie strictement américaine : il y apparaît en effet que l’Europe, relativement à l’Ouest, parvint à se faire successivement laboratoire et carrefour imaginaires.
Notice de l'auteur
Luca DI GREGORIO, a étudié les langues et littératures françaises et romanes à Namur et à Bruxelles. Après quelques années d’enseignement du français dans le secondaire, il poursuit un doctorat à l’Université de Liège portant sur l’écriture aventureuse de l’Ouest américain en Europe (1850-1914). Son mémoire de Master, couronné par le prix de la BILA de Chaudfontaine en 2011, est à l’origine du présent ouvrage.